Celui-là même qui a accompagné nombre de bambins dans leur enfance, celui-là même héros d’une série de livres pour enfants en Grande-Bretagne, celui-là même à l’honneur dans le roman “Simple” de Marie-Aude Murail[1], celui-là même qui donne la réplique au canard le plus méprisable de Toonville, celui-là même du nom d’Oswald et qui précéda Mickey Mouse… Celui-là même qui est aujourd’hui quasi menacé ! Incroyable non ? Partez avec moi à la rencontre du Lapin de garenne, de son histoire, de ses comportements et de ses capacités les plus inattendues !
L’histoire du Lapin de garenne :
L’histoire naturelle du Lapin de garenne n’est pas très simple à synthétiser. Elle est faite d’expansions et de régressions naturelles[2] auxquelles se mélange une domestication et une expansion artificielle à des fins d’élevage. Pour une grande partie de la France et de l’Europe, la présence du Lapin de garenne s’explique par son élevage, sa domestication. Ce n’est que vers la fin du Moyen Age que l’on trouve des Lapins élevés un peu partout en France[3]. Malgré cette domestication à marche forcée, malgré leur grande banalité et malgré le grand intérêt que nous leur portons, ces derniers n’en restent pas moins de beaux inconnus ! En témoignent de nombreuses croyances et imprécisions que l’on continue toujours de véhiculer aujourd’hui. Voyez plutôt :
Au fait, pourquoi dit-on Lapin "de garenne" ?
Ce terme nous vient de l’histoire du droit, et précisément du droit de garenne (qui ne concerne pas uniquement les lapins). En fait, le nom est ancien. Il nous viendrait du bas latin warenna (“garder”) et son origine remonte à l’époque où le statut de l’espèce naviguait entre “domestique” et “sauvage”. La garenne désigne un lieu où les animaux sont plus ou moins captifs. Historiquement, cet élevage est réservé aux seigneurs. Mais quelques individus s’en échappent… Au 16e siècle la domestication de l’espèce avance bon train, et l’on commence à faire des sélections. Avec la Révolution française, le droit de garenne disparaît, et l’expansion de l’espèce s’accélère.
« Rapide comme un Lapin », vraiment ?
Contrairement à l’idée reçue, la durée de l’accouplement du Lapin de garenne n’est pas si courte au regard de celle d’autres espèces de mammifères. Certes, c’est rapide, de l’ordre de 10 à 30 secondes. Mais il en va ainsi pour de nombreuses espèces de nos écosystèmes. L’accouplement est en fait un moment durant lequel l’animal est distrait, à découvert et donc vulnérable. Dès lors, il n’y a pas de raison de faire durer l’acte en s’embarrassant de préliminaires !
Pourquoi le Lapin de garenne mange-t-il ses crottes ?
Le Lapin mange ses crottes, filez lire cet autre article qui détaille en long et en large cette pratique étonnante ! Ou bien vous pouvez regarder cette vidéo :
Des oreilles high tech !
Que de grandes oreilles ont-ils ! “C’est pour mieux vous entendre”, je sais, je sais… Oui, ce n’est pas faux ! Leurs oreilles leur permettent de détecter le moindre bruit ! S’ils semblent moins doués que l’humain en ce qui concerne les sons graves, ils perçoivent les aigus bien mieux que nous. « Mais c’est pas tout, mais c’est pas tout », leurs oreilles leur permettent aussi de réguler leur température ! Si nous les humains, nous pouvons transpirer pour réguler notre température, ce n’est pas le cas de tous les animaux, et des lapins en particulier. Il leur faut pourtant bien trouver une solution pour dissiper leur excès de chaleur ! Dès lors, quoi de mieux pour se rafraîchir, qu’une grande surface de peau fine, volant aux vents et largement irriguée de vaisseaux sanguins pouvant se dilater et se contracter à volonté ? Vous l’aurez compris, les grandes oreilles des lapins constituent un équivalent de notre capacité de transpiration. Dès que l’animal a chaud, les vaisseaux sanguins se dilatent, et la chaleur se dissipe ainsi au contact de l’air ambiant.
Les Lapins vous voient venir de loin !
Ils voient de tous les côtés ! Pas étonnant qu’ils décampent vite en vous voyant arriver… Le Lapin de garenne possède un champ visuel avoisinant les 340 degrés. Il n’y a guère que ce qui se trouve juste devant lui qui lui échappe (mais aussi ce qui se trouve au-dessus de lui, mais ça devient technique)[4] ! Heureusement, il peut bouger la tête. Mais comment fait-il pour se nourrir s’il ne peut voir ce qui se trouve juste devant lui ? Lorsqu’il se nourrit, le Lapin utilise surtout son sens du toucher et son odorat !
Les Lapins de garenne vous sentent venir de loin !
L’odorat des Lapins de garenne est fort développé. En effet, leurs fosses nasales sont constituées d’un réseau très ramifié de conduits dans lesquels l’air inspiré entre en contact avec des muqueuses olfactives bardées de récepteurs permettant au Lapin d’identifier précisément les différentes odeurs. Ce sens se développe dès la naissance des lapereaux alors que ceux-ci ont encore les yeux fermés ! Leur odorat est tel que les Lapins captent très vite les odeurs essentielles à leur vie et à leur survie, même les plus subtiles. Difficile de les surprendre quand on a le vent dans le dos… Au fait, le Lapin ne respire quasiment que par ses narines ! Voilà, je ne sais ce que vous en ferez, peut être brillerez-vous en soirée avec une telle anecdote… sur un malentendu, qui sait ?
Une descendance prolifique ?
En effet, les Lapins de garenne sont prolifiques. Une femelle met ainsi au monde entre 10 et 25 lapereaux chaque année. On note toutefois une forte mortalité juvénile (cinq jeunes en moyenne parviennent à l’âge adulte) Et ce en raison de facteurs divers : météorologie causant des noyades dans les rabouillères (c’est-à-dire le terrier servant à la mise bas), les épidémies, la destruction des garennes, et bien entendu la prédation. De fait, la dynamique de population de cette espèce est difficile à anticiper et est soumise à de grandes variabilités annuelles tant sur le plan démographique que sur celui de la répartition géographique.
Conclusion :
Au fait, saviez-vous que certains terriers abandonnés sont parfois investis par des oiseaux qui vont y installer leur nid ? C’est notamment le cas du Tadorne de Belon !
Comment se porte le Lapin de Garenne ?
Le Lapin de garenne est aujourd’hui classé « en danger » par l’UICN dans le monde[5]. A l’échelle européenne et française, le même organisme classe l’espèce comme « quasi menacée »[6]. Pourtant à l’origine, l’espèce n’était pas donnée menacée. Le Lapin de garenne est en effet connu pour sa prolifique descendance. C’était sans compter sur les abus en tous genres, comme l’introduction volontaire de maladies pour décimer leurs populations, ou plus généralement la destruction de leur habitat (un mal qui concerne au final toutes les espèces).
NOTES ET RÉFÉRENCES :
[1] https://www.ecoledesloisirs.fr/livre/simple
[2] Pascal M., Lorvelec O., Vigne J.-D., Invasions biologiques et extinctions. 11 000 ans d’histoire des vertébrés en France, Belin-Quae, Paris, 2006.
[3] Rigaux Pierre, Etonnants Lapins, la fabuleuse histoire des grandes oreilles, Delachaux et Niestlé, Paris, 20220.
[4] Rigaux Pierre, Etonnants Lapins, la fabuleuse histoire des grandes oreilles, Delachaux et Niestlé, Paris, 20220.
[5] https://www.iucnredlist.org/species/41291/170619657
[6] https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/61714/tab/statut
Cet article vous plaît ?
Partagez-le à vos amis !
